AVAVA INOUVA

J'ai entendu cette chanson d'Idir en 1973, pour la première fois en France.
J'ai été charmé par cette mélodie et n'en connaissait pas la signification.
Depuis, internet est arrivé et nous permet aujourd'hui de connaitre toute son histoire.
Lisez son parolier BEN MOHAMED.


.
" En ce qui concerne "Vava inouva", il s'agit d'un texte qui raconte l'atmosphère et le mode de transmission de notre culture ancestrale au sein du foyer montagnard de Kabylie.
Les deux couplets dressent une espèce de diptyque hivernal où le premier tableau présente ces portes qui s'ouvrent sur un mur de neige, cet agora (lieu de rencontre des villageois) vide qui rêve du printemps et ces étoiles qui se sont retirées (derrière les nuages).
Le second tableau présente l'intérieur du foyer. Réunis autour du feu, chaque membre joue un rôle déterminé. La doyenne qui transmet le savoir ancestral aux petits enfants.
Le doyen qui écoute et qui peut intervenir éventuellement pour apporter une précision qui s'impose. Le fils préoccupé par le pain quotidien de la famille, son épouse (la bru) qui, derrière son métier à tisser, enregistre les enseignements de sa mère qu'elle aura transmettre plus tard.
Quant au refrain de la chanson, il est tiré d'un conte pan-berbère et illustre le type de savoir transmis.
 
Un jour Idir est venu me voir  pour m'exposer son projet de reprendre la musique qu'il a enrichi et le refrain de ce conte de "Vava inouva". L'idée m'a tellement émerveillée que j'aurais pu écrire le texte immédiatement.
Mais un  autre événement marquant est revenu à mon esprit. Quelques jours auparavant, j'avais assister au Centre Culturel Français, à une conférence de Jean Divignaud. Cet éminent sociologue nous a parlé de son expérience à Chebika, ce petit village situé à la frontière algéro/tunisienne et dont la seule activité économique était la taille de la pierre. De ce fait, tous les jeunes du village vivent avec l'espoir de quitter un jour ce "trou" pour un monde plus ouvert et plus clément. A la fin de sa mission, Duvignaud qui avait sympathisé avec la population, demande à celle-ci de faire revivre devant une caméra certains de leurs éléments culturels. En plus, il propose une rémunération. Pour sa part, cette population ne savait même pas qu'elle avait des valeurs culturelles. Elle savait encore moins, que celles-ci pouvaient être sources de revenus. Elles ont donc plutôt accepter de faire plaisir à leur hôte.
Mais quand l'équipe cinématographique a débarqué dans ce village paumé, avec son impressionnant matériel, les interrogations ont commencé à tarauder les esprits. Tout ce monde qui vient de France et tout ce matériel ont été déplacé jusque-là pour eux, pour quelques éléments de leur culture. Il y a de quoi susciter des questions.
Après le tournage, le retour en France pour le développement et le montage, Duvignaud est retourner à Chebika pour montrer le film à ces "acteurs", de nouvelles idées ont fait leur chemin. C'est ainsi qu'après la projection, des villageois sont revenus voir Duvignaud pour lui proposer d'autres éléments culturels non plus pour gagner un peu d'argent, mais pour affirmer cette personnalité culturelle qu'ils venaient enfin de découvrir.
Car entre la fin du tournage et la projection, cette population a enfin eu ce regard introspectif qui leur a manqué jusque-là.

Et c'est dans cet esprit que le texte a été fait. Il répondait à un double besoin d'authenticité et de modernité."
BEN MOHAMED

Paroles de Ben Mohamed

AVAVA INOUVA
.
T-txilek lliyin tabburt

A baba inu ba

Ccencen tizebgatin im

A yelli Yriba

ugwadey lwehc l-lyaba

A baba inu ba

Ugwadey ula d nekini

A yelli Yriba
.
1
Amyar yettel degw'bernus
Di tesga la yezizin
Mmi s yetthebbir i lqut

Ussan degw 'qerru s tezzin
Tislit deffir uzetta

Tesalay tijebbadin
Arrac zzin d i temyart

Asen t-tessyer tiqdimin
.
2
Adfel isudd tibbura

Tuggi kecmen-t yehlulen
Tajmaayt tettargu tafsut

Aggur d yitran hegben
Ma d aqejmur n t-tasaft

Idegger akin idenyen
Mmlalen-d akw a t wexxam

I tmacahut a s slen

Traduction de Ramdane ACHAB.

 

Père mon père
 Ouvre-moi la porte je te prie

O mon père à moi

Fais donc tinter tes bracelets

O ma fille Ghriba

J'ai très peur de la forêt

O mon père à moi

J'en ai peur moi aussi

O ma fille Ghriba
 
Le vieux drapé dans son burnous

Se chauffe au feu dans le coin

Le fils a souci de la subsistance

Les jours dans sa tête font la ronde

La bru est derrière le métier à tisser

Dont elle apprête les tendeurs

Les enfants font cercle autour de la vieille

Qui leur redit les dits anciens
 
La neige obstrue les portes

Les bouillies d'hiver sont à l'honneur

L'agora rêve de printemps

Lune et étoiles sont voilées

La grosse bûche de chêne

Refoule au loin les claies de roseaux

Et la maisonnée est toute réunie

Pour entendre le conte